Dégoûté par la politique, l’ancien premier ministre abandonne le Palais Rohan et rejoint le Conseil constitutionnel, à Paris. Son adjoint Nicolas Florian est fortement pressenti pour lui succéder.
Une longue page de vingt-cinq ans s’est tournée hier à Bordeaux à l’annonce de la démission d’Alain Juppé, maire de la ville depuis 1995, nommé au Conseil constitutionnel où il remplacera Lionel Jospin. L’ancien premier ministre de Jacques Chirac, qui battit des records d’impopularité lors de son passage à Matignon (1995-1997), avant d’être balayé par la gauche suite à la dissolution de l’Assemblée nationale, a toujours su cultiver dans son fief une image tout en rondeur à rebours de celle qu’il s’était forgée à l’échelle nationale, celle d’un technocrate dur, glacial et « droit dans ses bottes ». Meilleure preuve de ce lien profond tissé avec « La Belle Endormie », les bordelais l’ont réélu quatre fois (2001, 2006, 2008, 2014), passant outre ses démêlés avec la justice (Affaire des emplois fictifs de la Marie de Paris pour laquelle il a été condamné en 2004) et ses fréquentes désertions au profit d’un strapontin ministériel (2007, 2010-2012).
Lors de son allocution jeudi matin au Palais Rohan, Alain Juppé, saisi par une forte émotion, a confirmé que l’actuel mandat qu’il devait occuper jusqu’en 2020, date du prochain scrutin municipal, aurait été son dernier. Il ne le mènera donc pas à son terme. Dans un communiqué publié plus tôt dans la matinée, il révélait avoir « décidé, depuis déjà plusieurs mois » de ne pas se « représenter à la Mairie », décision qu’il comptait rendre publique « au lendemain des élections européennes fin mai prochain ». Un calendrier bouleversé par sa nomination surprise au Conseil constitutionnel : «Quitter cet hôtel de ville, cette fois-ci de mon plein gré, est pour moi un crève-cœur», a-t-il déclaré devant les personnels municipaux et les caméras télévision, venues en nombre.
Au-delà de son retrait et de ses conséquences sur la vie politique locale, les raisons qui ont conduit Alain Juppé (73 ans) à se démettre de sa fonction exécutive a de quoi inquiéter : le candidat malheureux à la primaire de la droite en 2016 dénonce un climat «délétère infecté par les mensonges et les haines véhiculés par les réseaux sociaux», «la montée de la violence, le discrédit des hommes et des femmes politiques, le « tous pourris », la stigmatisation des élites».
Un contexte dans lequel « la vie publique est lourde à porter» a-t-il conclu, sèchement.